
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
PAPE FRANCOIS
L’Église face aux enfants, entre promesses et désillusions
Page publiée le vendredi 7 février 2025

L’Église annonce une réflexion sur les droits des enfants, mais peut-elle réellement se réinventer après des siècles de dogmes et de silences ? Entre promesses de protection et héritage pesant, l’enjeu est moins de parler pour l’enfant que de lui laisser enfin l’espace d’être libre.
L’annonce faite par le pape François d’un texte consacré aux droits des enfants aurait pu susciter en moi un élan d’espoir. L’Église, cette vieille institution dont je me suis éloigné sans renier mes racines, se penche sur ceux qui incarnent l’innocence et l’avenir. Un grand sujet, une belle promesse. Et pourtant, un doute persiste. Une institution qui, au fil des siècles, a souvent voulu modeler l’enfance selon des dogmes rigides, peut-elle vraiment parler de liberté ?
« Les enfants nous regardent », nous dit le pape. Mais ce regard n’est pas seulement celui de l’émerveillement et de la curiosité ; c’est aussi celui de la confiance. L’enfant croit naturellement à la bienveillance des adultes. Il tend la main, il écoute, il apprend. Il ne voit pas le danger venir. Il fait confiance jusqu’à ce qu’on la trahisse. Ceux que l’on manipule, que l’on exploite, que l’on blesse, que l’on viole, que l’on oblige à porter une arme… Ce sont eux qui, peu à peu, apprennent que l’adulte n’est pas toujours ce guide bienveillant qu’ils espéraient. Et cette trahison-là, elle ne s’oublie jamais.
L’enfant est un feu fragile, une flamme vacillante entre l’instinct et la raison. Il n’appartient ni aux États, ni aux dogmes, ni aux idéologies. Il est un être en devenir, et c’est en cela que son droit fondamental est avant tout celui d’être protégé des carcans qu’on voudrait lui imposer, qu’ils soient politiques, religieux ou culturels. Or, l’histoire de l’Église est celle d’une institution qui, bien souvent, a confondu l’éducation avec l’endoctrinement (par la peur d’un Dieu qui punit), la protection avec la tutelle, l’accompagnement avec la soumission.
Je veux croire à la sincérité du pape François. Depuis le début de son pontificat, il tente, à sa manière, de réformer une Église qui semble porter en elle une irrépressible nostalgie d’un pouvoir absolu sur les âmes, sous des formes plus modernes.
L’Église peut avoir un rôle à jouer. Elle peut et doit condamner sans ambiguïté ceux qui, en son sein, ont trahi l’innocence qu’ils prétendaient protéger. Elle peut rappeler à la société que la dignité humaine se joue dès le berceau et que la marchandisation de l’enfance, dans certaines cultures, est une barbarie silencieuse. Mais qu’elle se garde bien d’oublier que les droits des enfants ne sont pas ceux que Rome décrète, mais ceux que la liberté humaine exige.
Un jour, peut-être, l’Église comprendra que l’enfant n’a pas besoin d’un berger, mais d’un espace où il pourra grandir en vérité entouré d’amour. Cela n’empêche pas qu’on lui parle de Dieu… mais un Dieu qui ne veut que le bien des enfants et de l’humanité.. Car la liberté n’est pas un privilège que l’on accorde au terme d’une éducation rigoureuse : elle est un souffle qui doit traverser toute existence, et ce, dès le premier cri.
Didier Antoine