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Dimanche 13 avril 2025

Dimanche des Rameaux - Année C

Dimanche 13 avril 2025

Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus en Matthieu 21, 1-11

Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples, en leur disant : « Allez au village qui est en face de vous, et aussitôt vous trouverez une ânesse attachée, et un ânon avec elle. Détachez-les et amenez-les-moi. Et si quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez : “Le Seigneur en a besoin.” Et aussitôt il les enverra. » Or, cela arriva afin que soit accompli ce qui fut dit par le prophète en ces termes : « Dites à la fille de Sion : Voici, ton Roi vient à toi, doux et monté sur une ânesse, et sur un ânon, fils de bête de somme. » Les disciples s’en allèrent et firent comme Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, et ils posèrent sur eux leurs vêtements, et il s’assit dessus. Une foule nombreuse étendit ses vêtements sur le chemin, et d’autres coupaient des branches d’arbres et les répandaient sur la route. Et les foules qui allaient devant et celles qui suivaient criaient, en disant : « Hosanna au Fils de David, Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! » Lorsqu’il entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi, disant : « Qui est-ce ? » Et les foules disaient : « C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée. »

MESSAGE

Ce récit de l’entrée du Seigneur Jésus à Jérusalem n’est pas seulement une scène pittoresque ou une liturgie anticipée du dimanche des Rameaux. Il est un geste subversif, un acte de provocation radicale qui se joue des attentes messianiques et des institutions religieuses.

Dès les premiers versets, l’évangéliste souligne une tension. Notre Seigneur Jésus approche de Jérusalem mais il n’entre pas immédiatement. Il s’arrête à Bethphagé, un lieu dont le nom signifie « maison des figues vertes », symbole d’un fruit encore immature. Notre Seigneur Jésus est aux portes de la ville sainte, mais il s’attarde encore à la lisière, comme s’il mesurait ce qu’il allait accomplir.

Le choix de la monture est un détail essentiel. Le Seigneur Jésus ne demande pas un cheval de guerre, ni un char, mais une ânesse et un ânon, une image saisissante de faiblesse et d’humilité. Cette insistance sur la double monture peut sembler étrange. Le texte cite Zacharie 9,9, mais Matthieu met en avant une duplication qui force le regard : non seulement un âne, mais aussi son petit, non seulement la monture des pauvres, mais celle des bêtes encore sous la tutelle de leur mère.

Notre Seigneur Jésus choisit délibérément l’image du roi qui ne cherche ni à imposer sa loi, ni à écraser ses ennemis. Ce roi-là ne s’affirme que par la dépossession. L’entrée en gloire se fait dans la fragilité d’une bête de somme et non par l’éclat des armes. Le texte souligne un contraste saisissant entre l’enthousiasme des foules et l’incompréhension fondamentale de l’événement. D’un côté, la liesse populaire, la proclamation messianique : « Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ». De l’autre, une question qui résonne comme un malentendu : « Qui est-ce ? ».

L’évangéliste met en évidence la contradiction interne de cette acclamation. « Hosanna dans les lieux très hauts ») semble faire écho à la doxologie angélique de la Nativité « Gloire à Dieu au plus haut des cieux », Lc 2,14). Il y a dans ces cris une liturgie spontanée, mais déjà ambivalente : la foule acclame un messie glorieux, alors que le Seigneur Jésus incarne un tout autre règne.

Cette ambiguïté est renforcée par la réponse donnée à la question de l’identité de Jésus : « C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée. ». Le titre de prophète est ici à double tranchant. Il reconnaît en notre Seigneur Jésus un envoyé de Dieu, mais il ne le désigne pas comme le Messie attendu. Matthieu, en bon narrateur ironique, nous montre une foule qui célèbre sans comprendre, qui exulte sans saisir ce qu’elle acclame. Quelques jours plus tard, cette même foule criera « Crucifie-le ! ».

L’absence de mention du Temple dans cette scène est frappante. Si l’on suit la logique des attentes juives, un Messie qui entre dans Jérusalem devrait aussitôt aller au Temple pour s’y manifester. Mais ici, Matthieu suspend ce moment, et laisse notre Seigneur Jésus seul face aux contradictions de la ville qui l’accueille sans vraiment le reconnaître. En ne se précipitant pas au Temple, Le Seigneur Jésus refuse d’être annexé par l’institution religieuse. Son royaume n’a pas de lieu saint, pas d’enceinte sacrée. Il n’a ni trône ni sacerdoce institutionnel, ni ornement. Son pouvoir n’est pas dans les palais ni les liturgies officielles, mais dans la faiblesse assumée de celui qui vient « au nom du Seigneur ».

Mes chers frères et mes chères sœurs, vous qui avez pris comme moi de la distance avec l’Église, qui vous tenez, comme le Seigneur Jésus à Bethphagé, à la lisière du sacré, ce texte vous parle. Vous savez ce que c’est que d’être écartelés entre l’enthousiasme et le doute, entre le désir de croire et la défiance vis-à-vis des institutions qui enferment Dieu dans leurs dogmes, dans des pouvoirs sans compter les rituels figés.
Notre Seigneur Jésus lui-même n’est pas entré dans Jérusalem en conquérant, ni en chef religieux. Il a refusé de jouer le jeu du pouvoir et de la domination. Il a choisi la vulnérabilité, le chemin du prophète mal compris, du roi dérangeant. Ne laissez personne vous faire croire que l’Église a le monopole du Royaume. Vous pouvez être au seuil sans être exclus. Vous pouvez avancer sans vous laisser enfermer. Peut-être êtes-vous, en ce moment, dans votre propre Bethphagé, à un carrefour où croire n’est plus si simple, où les anciennes certitudes se fissurent. Mais si le Seigneur vous choisit, vous, avec vos doutes, votre fatigue, votre liberté retrouvée. Peut-être que c’est sur ce seuil incertain, loin des dogmes rigides, que Dieu vous attend vraiment. Vous n’avez pas besoin de Jérusalem pour suivre le Seigneur Jésus. Il est déjà sur le chemin, là où vous êtes, là où vous en êtes.
Amen…

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